Religion

La nécessaire institutionnalisation de l’islam en Suisse

Bashkim Iseni pose les vraies questions qui doivent désormais occuper le débat sur cette question.

Lors d’un déjeuner, un ami m’a rapporté que des personnes de confession alévie lui ont exprimé leur frustration de ne pas être relayées dans les médias, car ceux-ci ne se focalisent que sur les musulmans sunnites. L’ami a rétorqué, tant mieux! Cette métaphore résume un peu la situation de la présence de la population de culture et confession musulmane en Suisse, devenue, au fil des années, de par sa croissance démographique et un contexte international délétère, un enjeu politique du pays.

Force est de constater que la perception des musulmans en Suisse est fortement influencée par la rhétorique sécuritaire qui prévaut envers eux dans les pays Occidentaux ayant été affectés par des actes d’une violence terroriste inouïe et haineuse. Cette population est également au centre de toutes les attentions, en raison de la mobilisation récurrente, par une partie de la classe politique helvétique, de thématiques plus symboliques qui se réfèrent à cette religion.

Le débat sur le fait musulman en Suisse doit avoir lieu, mais pas comme s’il s’agissait d’un corps étranger, car plus d’un tiers des personnes concernées sont Suisses. Le fait musulman est un sujet de société, et il est temps de réfléchir à sa cohabitation pacifique durable, avec les autres croyances et les valeurs du pays.

Le problème que cela pose? Les thèmes qui renvoient à l’islam et aux personnes de culture et de religion musulmane en Suisse dans les débats publics sont accaparés par des sujets émotionnels, car ils sont électoralement porteurs, et véhiculant parfois, à tort ou à raison, une appréhension d’une future hypothétique remise en ordre, par cette religion, de la réalité culturelle et juridique suisse.

Sans nier la part du problème de la perception ou du malaise qui dominent vis-à-vis de cette donne religieuse et culturelle, l’approche islamique majoritaire en Suisse est silencieuse et modérée et privilégie une approche discrète d’accommodement à l’ordre culturel et juridique existant. Cette donne, qui n’apparaît pas toujours dans les débats publics, est une réalité positive pour le pays.

Les vraies questions qui doivent désormais occuper le débat sont celles qui se réfèrent au mode d’inclusion de cette religion dans le système juridico-administratif et son institutionnalisation en Suisse. La question centrale qui doit se poser est de savoir comment intégrer efficacement cette dimension musulmane, intrinsèquement plurielle, en harmonie avec la tradition fédérale et démocratique suisse. L’Etat, à son échelle cantonale, a un rôle important pour accompagner ce processus, en tant qu’arbitre qui veille au respect du «droit à la différence religieuse», tout en assurant l’adhésion aux valeurs, aux acquis historiques sociétaux et au respect des libertés individuelles de tous.

Article paru dans le quotidien 24heures  le 28 octobre 2017