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Match Serbie – Albanie : « Derrière les rideaux » du verdict de l’UEFA*

+3-3=0 à la Serbie. 0 points à l’Albanie et un bilan négatif de 3 buts encaissés. La violence et le racisme des supporters serbes équivalent à un message politique d’une banderole! En est-il une décision raisonnable ? Que se cache-t-il derrière les rideaux de la décision de l’UEFA et quels mécanismes ont été utilisés afin d’y parvenir ?

Je commencerai par une anecdote. Une histoire pour mieux s’endormir ou pour se réveiller.

Autour de l’an 945 avant J-C. le roi Salomon devait disposer face à un conflit insolite : deux femmes prétendaient être la mère légitime d’un bébé. A défaut d’une preuve, le roi Salomon menaça de couper le bébé en deux pour que chacune puisse obtenir la moitié. Une des femmes renonça immédiatement à la maternité. Salomon, connu pour sa sagesse et sa justice, décida de conférer la légitimité à celle-ci, puisque une mère biologique était plus sensible à la vie de son enfant.

En 2014. Match interrompu entre la Serbie et l’Albanie. Les deux équipes prétendent mériter les trois points. Le président de la fédération albanaise Duka déclarait quelques jours avant le verdict : « les trois points ne m’intéressent guère, je respecte toute décision de l’UEFA » (comme la mère biologique à l’époque de Salomon). Son homologue serbe maintenait sa position. L’UEFA, dans le rôle de Salomon, a décidé de couper l’enfant en deux, même si la preuve existe: l’enregistrement du match.

En dépit de cette analogie, il serait prématuré de crier  « Eureka » ! Une analyse plus profonde est nécessaire, en commençant par les préliminaires :

1. Dès l’interruption du match, les autorités serbes ont politisé l’affaire : le drone portant une banderole était une provocation politique (« oubliant » les chants racistes qui scandaient « tuez, massacrez les Albanais pour qu’ils n’existent plus » tout au long du match. Deux jours après ce match, Vladimir Poutine se rendait en Serbie.

2. Mme Kojancic, porte-parole du ministre des affaires étrangères de l’UE, lors d’un communiqué officiel a complimenté la police serbe pour avoir géré d’une manière exemplaire la situation.

3. La chancelière Merkel déclare en vue de la visite de Poutine, que la Serbie est un marché économique intéressant pour l’UE.

4. M. Platini déclare que le drone aurait pu porter une bombe. (En 2010, lors du match Italie-Serbie, il s’était dit choqué par la violence des hooligans).

Que des coïncidences ? Agatha Christie écrivait qu’une coïncidence est une coïncidence, deux coïncidences en sont deux, trois coïncidences constituent la preuve ». Dans ce contexte, s’agit-il d’un scenario préalablement préparé ? Fallait-il éviter que la Serbie se « fâche » et s’aligne à la Russie ? L’UEFA a-t-elle pris une décision politique ?

Les mécanismes utilisés par l’UEFA dans sa prise de décision

La théorie des jeux est utilisée pour expliquer le processus de la prise de décision. Selon cette théorie les jeux sont classifiés en catégories : jeux non-coopératifs et jeux coopératifs.

Dans les jeux non-coopératifs les joueurs ne communiquent pas entre eux mais poursuivent égoïstiquement leur intérêt pour un profit maximal. Il y en a un qui gagne et l’autre qui perd (p.ex. Echecs, Poker, Football). Appliqué à notre cas : La Fédération Serbe devrait être pénalisée pour violence aggravée, invasion du terrain, racisme, inefficience sécuritaire. La Fédération Albanaise ne devrait pas être pénalisée du tout.

Dans les jeux coopératifs, les joueurs communiquent entre eux, peuvent faire des coalitions et négocier pour un résultat satisfaisant (p.ex. monopoly). La décision de l’UEFA ne rentre-t-elle pas dans ce cadre ? Distribution des pénalités et des « bénéfices » de manière égale. Ce mécanisme est connu en économie et en négociation politique par l’équilibre de Nash ou l’Optimum de Pareto. Il semble que la décision de l’UEFA a été purement politique et non technique.

Pourquoi les parties ont-elles accepté à négocier ? De manière simplifiée, le dilemme du prisonnier explique que les deux prisonniers ont intérêt à collaborer plutôt que s’accuser pour obtenir un résultat favorable. Dans notre cas, la mise en « liberté » consisterait en la carotte de l’UE. Considérant ce postulat, la déclaration du Président de la fédération albanaise Duka : « les trois points ne m’intéressent guère, je respecte toute décision de l’UEFA » semble être le fruit d’une négociation préalable.

Monsieur Duka, je ne voudrais pas croire que vous auriez pas pu faire partie de cette négociation. Je souhaite que vous obteniez les trois points par forfait suite au recours au TAS de Lausanne. Le cas échéant, je vous invite à assumer les responsabilités et donner votre démission.

Monsieur Platini, vous ne pouvez plus représenter votre « royaume » comme le roi Salomon puisque justice n’a pas été faite. Comment peut-on exiger du respect si on ne le démontre pas ? Chapeau pour ce que vous avez donné en tant que joueur de football. Si à présent la politique est votre hobby, pourquoi ne pas présenter votre candidature aux élections présidentielles en France ?

Prenez cela comme un compte de fées ou décidez d’y croire, tout simplement.

* Les opinions exprimées dans cette chronique par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de la rédaction.