Thématique

Pour « se sentir chez soi dans le monde »

Message du président de la Confédération Alain Berset, à l’occasion de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste

 

« A quoi bon encore une réflexion sur la conditio inhumana des victimes du Troisième Reich ? N’est-ce pas dépassé ? » Ainsi s’interrogeait en 1977 Hans Maier – Jean Améry de son nom de plume – dans la nouvelle préface à son essai Par-delà le crime et le châtiment. Améry était un survivant juif d’Auschwitz, camp d’extermination libéré il y a exactement 73 ans aujourd’hui.

En 2018 aussi, nul ne peut légitimement considérer qu’une réflexion sur l’Holocauste est dépassée. Cela tient au fait que cette tragédie qui ensanglanta le cœur du monde dit moderne et civilisé invite à nous interroger sur les pires atrocités de l’être humain envers ses semblables. Une des atrocités dont il est capable est la torture. Améry est resté marqué à jamais par les sévices de la Gestapo, au point qu’il s’est donné la mort : « Celui qui a été soumis à la torture est désormais incapable de se sentir chez soi dans le monde. »

En cette date anniversaire de la libération d’Auschwitz, nous rendons hommage à toutes les victimes du nazisme. La Suisse s’engage à perpétuer leur mémoire. Elle le fait particulièrement dans le cadre de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), une association de 31 Etats membres qu’elle préside actuellement. Pour la première fois de son histoire, l’IHRA vient d’adopter une stratégie et des priorités claires. Celles-ci visent à mieux sensibiliser les décideurs politiques à la réalité de la persécution des Juifs, Roms, Sinti et Yéniches. Il s’agit d’une étape cruciale, dont la Suisse peut être fière.

Aujourd’hui encore, la torture et toutes les autres formes de négation de l’Autre restent malheureusement répandues. Les dénoncer et les empêcher, de façon à ce que chacun « se sente chez soi dans le monde », constitue un combat qu’il s’agit de mener sur plusieurs fronts, notamment politique, juridique et éducatif.

Avec des partenaires locaux, en particulier des hautes écoles pédagogiques, la Confédération développe et soutient plusieurs projets dans le cadre de la présidence de l’IHRA. Des conférences internationales ont exploré les moyens et défis de l’enseignement de l’histoire de l’Holocauste dans divers pays d’Europe, ainsi que les mécanismes qui ont conduit à la mise à mort par les nazis de centaines de milliers de personnes handicapées – prélude à l’Holocauste.

Le combat pour que « chacun se sente chez soi dans le monde » commence par la sensibilisation des jeunes générations.