Opinion

Combattre la dépendance aux jeux d’argent

Carte blanche à Bashkim Iseni, directeur d’Albinfo.

Le 10 juin prochain, le peuple suisse se prononcera sur l’initiative contre la loi fédérale sur les jeux d’argent qui met en œuvre l’article constitutionnel sur les jeux d’argent, accepté par le peuple et les cantons le 11 mars 2012.

Le principal enjeu qui émaille cet objet de votation est financier, et ce aussi bien pour les acteurs privés que publics. Pour ces derniers, l’impôt qui découle des maisons de jeu renfloue les caisses de l’AVS et de l’AI.

«Il suffit de se rendre dans un bistrot pour réaliser la détresse dans laquelle se trouvent certaines personnes, souvent issues de la migration, «addictes» aux jeux d’argent, sans parler de celles qui sont isolées chez elles, avec les yeux rivés sur les jeux en ligne»

De même, les bénéfices des revenus obtenus par les jeux des loteries sont redistribués à des fondations ou à des organismes d’utilité publique qui contribuent ainsi, de façon substantielle, à la vie culturelle, sportive et sociale du pays.

Indépendamment des arguments du comité référendaire qui s’oppose à cette loi ou de celui des acteurs qui souhaitent davantage de régulation dans ce marché du jeu via cette nouvelle loi, il est important, dans le climat précédant cette votation, de rappeler une facette âcre des jeux d’argent, soit celui de la dépendance qu’ils engendrent.

En fait, de nombreux individus de condition modeste sont frappés très durement par la dépendance aux jeux. Il suffit de se rendre dans un bistrot pour réaliser la détresse dans laquelle se trouvent certaines personnes, souvent issues de la migration, «addictes» aux jeux d’argent, sans parler de celles qui sont isolées chez elles, avec les yeux rivés sur les jeux en ligne.

Certains migrants, en particulier ceux de la première génération, sont très affectés par les jeux car ils misent quotidiennement dans les casinos ou les machines à jeux, bien au-delà de leurs moyens financiers. Dans le but de s’en sortir, voire l’illusion de récupérer leurs pertes accumulées, elles s’engouffrent dans les dettes, les mensonges, en atteignant une phase de désespoir.

Les conséquences sont très négatives aussi bien au niveau familial, professionnel que social. Des femmes migrantes et leurs enfants sont souvent victimes directes des addictions de leurs époux, et doivent se démener pour compenser les méfaits matériels et rembourser les dettes.

Réussir socialement

En fait, ces accros aux jeux immédiats – souvent de condition modeste et au niveau de formation moins élevé – comptent, par le biais du jeu, réussir socialement aux yeux de leur communauté d’origine, mais aussi à ressembler davantage, sur le plan du bien-être socio-économique, à leurs concitoyens helvétiques.

Les jeux d’argent sont un loisir et un vieux vice universel. Néanmoins, ce qui pose problème, c’est que les jeux sont devenus abondants et accessibles à tous, à toute heure, et engendrent ainsi une dépendance pathologique.

Dès lors, il est urgent que les campagnes de sensibilisation et de prise en charge soient davantage ciblées envers ces personnes et populations vulnérables issues de la diversité, pour les aider à s’en sortir en les informant sur les dangers du jeu, ou pour limiter leur consommation. En fait, l’impact de cet investissement serait également efficace comme l’est la redistribution des impôts et des bénéfices des jeux d’argent à la collectivité. (24 heures)