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La droite, encore et toujours à l’épreuve de l’intégration des étrangers

On qualifie de « Segundos » les personnes nées de parents étrangers mais installés en Suisse parce qu’ils l’avaient voulu... ou dû y venir. Il s’agit donc de la seconde génération d’immigrés qui est réunie sous cette étiquette, qu’ils soient détenteurs ou non d’un passeport suisse, dont l’accès s’est simplifié au fil de ces dernières années, mais en tous les cas éduqués dans notre pays. Mais peu importe en réalité la dénomination : la vraie question se cristallise sur la capacité de notre pays à accueillir les étrangers et à les intégrer dans la vie du pays, dans ses écoles, dans son marché du travail.


L’intégration de communautés étrangères dans un pays constitue toujours un grand défi pour la population autochtone. Faut-il les considérer comme les victimes d’un destin fâcheux ? Comme des nouveaux venus dans une communauté politique à laquelle ils peuvent apporter plus que leurs forces de travail ? Il semble que la gauche a montré plus d’intérêt aux étrangers, de première génération ou issus des générations suivantes. Mais est-ce encore le cas ? Les étrangers vivant en Suisse sont-ils forcément de gauche ? Pourquoi la réponse de la gauche et de droite divergent-elles tant sur ces questions ? Le Cercle démocratique de Lausanne (CDL) et son partenaire et l’association “Albinfo.ch” ont le plaisir de vous inviter à une soirée -débat sur ce thème le jeudi 2 juin à 19 h. au Café-Restaurant du Vieux-Lausanne, rue Pierre-Viret-6. Participeront au débat Mme Ada Marra, conseillère nationale PS, et MM. Enzo Santacroce, conseiller communal PLR à Epalinges, et Claudio Bolzmann, professeur à la HEG et membre du Conseil de fondation de l’ISEAL. Le débat sera animé par Vjosa Gervalla, directrice de l’association Albinfo.ch, et Olivier Meuwly, vice-président du CDL et membre du Conseil de fondation de l’ISEAL.

Il est coutume de dire que, malgré les récriminations de certains, la Suisse, avec son taux élevé d’étrangers, réussit plutôt bien dans ce délicat exercice. La Suisse a certes besoin d’une main-d’œuvre étrangère pour faire marcher son économie et maints de ses services publics. Elle doit cependant préserver ses équilibres internes, sans faire preuve de discrimination envers les nouveaux venus, qu’ils soient venus pour profiter du dynamisme de son économie ou conduits sous nos latitudes par quelque destin fâcheux régnant dans leur patrie. La question de l’accueil constitue donc un problème politique réel. Pour répondre à nos besoins et aux impératifs de la politique humanitaire que la Suisse fait siens, il convient assurément d’imposer certaines conditions aux arrivants, mais aussi de se montrer ouvert à la mixité culturelle et sociale. Par son fédéralisme, par sa capacité à régler les questions humaines au plus près de la réalité sociale, la Suisse, en dépit de ses différences linguistiques et culturelles, offre un cadre d’accueil performant. Les ghettos, qui déstabilisent les villes françaises, ont été évités, les conflits entre communautés sont maîtrisés. Non qu’il n’y ait jamais eu des problèmes, mais le pragmatisme helvétique, fondé sur des idéaux démocratiques éprouvés, fonctionne bien. Le fait que les étrangers n’aient pas le droit de vote, hormis dans certains cantons dont le nôtre, n’empêche pas que le cadre démocratique au sens large leur est ouvert, facilitant d’autant leur intégration.

Or, si les partis de droite, contrairement à ce que l’on croit, ont été des artisans majeurs de la construction de ce pragmatisme en définitive très xénophile, ils passent encore pour rétifs à la mixité culturelle. Incriminer la seule UDC, avec ses campagnes malheureuses dans les années 1990 et 2000, clairement, et sans nuances, hostiles à l’égard de certaines populations étrangères, serait toutefois trop étroit. Combien de temps a-t-il fallu attendre pour voir des gens aux patronymes à consonance étrangère (balkanique ou autre), non seulement figurer sur les listes électorales, mais se rapprocher un peu de positions d’éligibilité? Beaucoup trop… Alors que la droite a si bien su travailler avec les étrangers « travailleurs», elle s’est trop désintéressée des individus comme membres de populations… en fait nullement «condamnées» à apporter leur soutien à la gauche!

Si nombre d’Espagnols sont arrivés en Suisse connotés politiquement à cause des persécutions exercées par le régime franquiste, beaucoup de personnes issues des principaux groupes étrangers présents dans notre pays ne sont pas forcément arrivés marqués par un préjugé idéologique, sinon parfois une inclination pour la démocratie chrétienne chez de nombreux Italiens, Portugais et Espagnols. Pour les gens venant des Balkans, en revanche, le socialisme avait laissé de trop mauvais souvenirs pour que cette option paraisse intéressante. Les syndicats, et les Verts, ont su aller à leur rencontre, alors que la droite les regardait avec méfiance. Une méfiance souvent injustifiée mais qui a mis trop de temps à se dissiper face à l’évidente appétence intégrative manifestée par des populations en quête de sérénité! Elle a été efficace lorsqu’on parlait de leur formation professionnelle, mais moins quand il s’agit de saisir leurs aspirations… qui ne sont pas antagoniques à celles des autochtones!

Pourtant, cette évidence ne brille pas encore aux yeux de tous les gens de droite en 2022, même s’ils sont à l’unisson de la solidarité affichée en Suisse avec les immigrés ukrainiens fuyant les horreurs de la guerre! Alors que les étrangers sont de plus en plus nombreux à animer les séances des partis de droite, même de l’UDC, la droite n’a pas vraiment appris à parler « politique » avec les «primos», «segundos» ou «tertios»… Si elle s’adonnait avec un peu plus de zèle à cet exercice, elle découvrirait des individus peu séduits par le paternalisme de la gauche, mais attachés à des valeurs proches voire très proches de la droite, mus par l’esprit d’entreprise, par les impératifs de la responsabilité individuelle, le respect voire l’amour pour les traditions et les intérêts du pays dans lequel ils vivent.