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“La Suisse est capable de bon sens et elle a de sérieux atouts”

Après le vote suisse sur la naturalisation facilitée, Mirishahe Limani Hiler pour albinfo.ch a rencontré une personnalité politique suisse, issue de la migration, qui est arrivé à Genève à l’âge de six ans avec sa mère et sa soeur comme requérant d'asile. La Suisse lui a alors accordé l’asile politique. Neuf ans plus tard, il obtient le passeport rouge à croix blanche.

A l’âge de 21 ans, il est élu au parlement genevois, où il siège pendent 10 ans comme membre du parti écologique « Les Verts ». Il est ensuite élu, en 2007, au Conseil National, le parlement suisse. En 2013, il cède sa place à Berne pour embrasser un nouveau mandat dans son canton d’accueil et d’adoption et devient Conseiller d’Etat de la République et Canton de Genève.

Aujourd’hui, Antonio Hodgers dirige le Département d’aménagement, du logement et d’énergie (DALE). Il est reconnu par la population genevoise comme un Homme d’Etat sérieux, bosseur et digne de confiance faisant avancer les grands projets pour Genève.

Cette fois-ci, albinfo.ch présente à ses lecteurs sa réaction sur la naturalisation facilitée que le peuple suisse a voté le 12 février 2017.

Albinfo.ch : Il y a 12 ans, vous avez fait campagne ensemble avec votre collègue Pierre Maudet, aujourd’hui au Conseil d’Etat chargé de la sécurité et de l’économie, pour donner les droits politiques aux étrangers au niveau communal à Genève.

Il a fallu attendre 2005, pour que le droit de vote soit accordé aux étrangers, sous certaines conditions. En revanche, les étrangers ne sont toujours pas éligibles.

Aujourd’hui, sous l’impulsion de la conseillère nationale socialiste vaudoise Ada Marra, le peuple Suisse a largement accepté par 60,4% la naturalisation facilitée pour les petits-enfants d’immigrés qui veulent obtenir le passeport suisse.

En étant vous-même un immigré tout d’abord, ayant réussi un beau parcours d’intégration et d’investissement dans notre pays, quel est votre commentaire après ce résultat réjouissant ?

Antonio H. : ENFIN ! Voilà mon premier commentaire. Ce qui me frappe le plus, c’est la marée de oui. Seuls 7 cantons l’ont refusé ! C’est un résultat qui me réjouit, parce qu’il montre que la Suisse est capable de bon sens et que ses citoyens ne se sont – cette fois-ci – pas fait avoir par des slogans mensongers et abrutissants.

Albinfo.ch : Quelle est, selon vous, la prochaine étape que le peuple suisse doit  prendre en main, pour lutter contre un populisme extrême qui vise à nuire la présence des étrangers sur le sol helvétique ?

Antonio H. : Là où ce populisme, comme vous dites, est dangereux, c’est qu’il va encore plus loin que la notion d’étrangers. Il décrédibilise tout ce qui est autre, différent. Lutter contre ce populisme c’est lutter contre tout ce qui crée des catégories hiérarchiques : La classe aisée contre la classe plus défavorisée, les bons citoyens et les mauvais citoyens, les hommes contre les femmes, les vrais suisses contre les faux suisses. Il faut résister contre cette lecture du monde et cette résistance, quotidienne, se cache dans les détails.

Albinfo.ch : Avez-vous l’impression que le destin de la Suisse est en bonne voie aujourd’hui ?

Antonio H. : La Suisse a de sérieux atouts. Mais ce qui se passe chez nos voisins proches et lointains ne peut que nous amener à être vigilants. A l’heure des incertitudes économiques et des mouvements migratoires, à l’heure où l’avenir suscite plus de crainte que d’envie, la population attend des autorités qu’elles s’engagent pour un environnement stable et apaisé. C’est pour cela que je pense que mot clef est la “maitrise”. Maitriser notre politique économique, notre développement territorial, nos ressources énergétiques, c’est se protéger aussi bien d’une croissance incontrôlée que d’une décroissance indifférenciée. Toutes deux mèneraient la Suisse sur un chemin hasardeux. Finalement, je pense aussi que le destin de chaque pays est une coresponsabilité ; des élu-e-s bien sûr, dans citoyennes et citoyens et plus largement de ses habitant-e-s. Je ne cesserai donc jamais de prôner l’engagement associatif, culturel, politique, économique, militant au sens large. C’est au final le cumul de ces engagements qui dessine le futur d’un pays.

Albinfo.ch : C’est pour quand le droit de l’éligibilité des étrangers ?

Antonio H. : Peut-être pour bientôt ! En 2014, le Jura a octroyé le droit d’éligibilité dans les exécutifs communaux (sauf pour la fonction de maire) aux étrangères et étrangers vivant en Suisse depuis 10 ans.