Thématique

Une invention prometteuse

Interview avec le scientifique Adrian Shajkofci, issu d’une famille albano-suisse, qui a inventé un nouveau capteur de fièvre afin de faciliter aux entreprises la lutte contre la pandémie Covid-19.

albinfo.ch: Il y a quelques jours, vous étiez invité dans l’émission Forum, afin de parler de votre innovation de capteur thermique pour les entreprises. Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous présenter en quelques mots, c’est-à-dire votre parcours, mais aussi vos origines et le parcours migratoire de votre famille ?

Adrian Shajkofci: Après une maturité à Saint-Maurice (Valais, Suisse), j’ai fait un Bachelor puis un Master en bioingénieurie à l’EPFL (Lausanne, Suisse). J’ai ensuite commencé en 2016 un doctorat en électronique et traitement de signal dans le domaine biomédical, conjointement à l’EPFL et l’Idiap Research Institute (Martigny, Suisse). Je pense finir ma thèse de doctorat à la fin de cette année ! Je suis né à Martigny d’un père d’origine albanaise et d’une mère d’origine fribourgoise. Mon père s’est installé en Suisse en 1987 et y réside depuis.

albinfo.ch: Quel est votre invention. Pourriez-vous la décrire pour nos lecteurs ?

Adrian Shajkofci: Il s’agit d’un appareil autonome, appelé CoronaSense, qui permet de mesurer la température d’employés ou de visiteurs pour détecter la fièvre. Il est destiné à des entreprises, écoles ou manifestations qui veulent ou doivent effectuer des contrôles pour endiguer la propagation du COVID-19. Il se présente comme une petite boîte, placée sur pied ou contre un mur, à laquelle l’utilisateur présente son front. Après une seconde, elle délivre un diagnostic en comparant les données acquises à une base de données d’autres mesures et différents paramètres comme la température ambiante, la météo, la distance entre l’appareil et l’utilisateur, et les anciennes mesures. Il est possible d’intégrer les badges d’accès de l’entreprise pour des alertes personnelles.

albinfo.ch: Quelle est la nouveauté et les avantages que procure votre invention ? L’avez-vous breveté ?

Adrian Shajkofci: Il s’agit d’un système simple mais performant qui se concentre sur l’essentiel, qui est la précision du diagnostic. La principale nouveauté est le suivi personnalisé des températures. En effet, à cause de différences physiologiques, la température corporelle diffère entre les individus. Mon appareil permet de conserver une empreinte pour chaque personne et d’établir un seuil d’alerte fièvre individuel. Il est également hyper-connecté et peut envoyer les alertes par email, SMS, ouvrir des portes ou lancer des alarmes. Il est aussi possible de générer des rapports horaires ou journaliers. Des fonctions complexes sont paramétrables depuis une interface de contrôle simple à utiliser. Je ne l’ai pas patenté, car ne s’agit pas d’une invention technique en tant que telle, mais une combinaison fiable et abordable de technologies existantes.

Albinfo.ch: Est-ce que votre invention est accessible, du point de vue du coût, pour les petites et moyennes entreprises ?

Adrian Shajkofci: A moins de 800 CHF, elle est extrêmement abordable si l’on compare cet appareil aux autres solutions qui sont disponibles (personnel de sécurité ou caméra thermique à plus de 4000 CHF).

Albinfo.ch: Quel est le risque éventuel aussi pour les employés, si on leur mesure la température, à leur insu ? Y a t‘il un conflit éventuel avec le secret médical et la protection des données ?

Adrian Shajkofci: La température est toujours mesurée de manière volontaire car il faut se présenter devant la machine et attendre une seconde pour que toutes les mesures soient effectuées. Bien que les données mesurées n’aient pas de valeur médicale à proprement dite (elles ne sont pas prises par un médecin), j’ai bien insisté sur la confidentialité des données. En effet, elles sont stockées au sein de l’entreprise et pas sur un cloud, et tous les calculs sont effectués par la machine et pas par un service externe. Il n’y a donc pas de moyen de fuite de données. De plus, les identifiants de badge peuvent être cryptés afin de garantir un anonymat. Cependant, dans certaines situations, par exemple les écoles, il peut être bénéfique d’apporter un nom sur une mesure de température.

albinfo.ch: Est-ce que vous entretenez des relations avec votre culture et pays d’origine ?

Adrian Shajkofci: Je les entretiens surtout par le biais de mon père et de ses relations. Nous partons également en vacances au Kosovo et en Albanie pour (re)découvrir la culture de mon côté paternel.

albinfo.ch: Pourriez-vous un jour travailler avec des entreprises albanaises ?

Adrian Shajkofci: Je suis bien entendu ouvert pour travailler avec les entreprises de toutes nationalités !

albinfo.ch:  Quelle est la suite de votre carrière ?

Adrian Shajkofci: Ma priorité, en plus d’assurer la fabrication, le développement et le support du CoronaSense, est de terminer mon doctorat en septembre. Ensuite, je pense m’orienter dans l’industrie mais je ne sais pas si le vent me portera dans l’univers prometteur mais impitoyable des startups ou celui des entreprises déjà bien établies.