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Grande nouvelle pour les retraités kosovars en Suisse : ce jeudi, la Suisse et le Kosovo signent l’accord sur les assurances sociales

Dans une interview exclusive accordée à albinfo.ch, Arban Abrashi, ministre en charge des affaires sociales du Kosovo, affirme que les deux équipes ont réussi à nouer un accord-cadre. Grâce à cet accord, dorénavant, soit dès 2018, selon le ministre, les retraités kosovars en Suisse vont pouvoir toucher leur retraite au Kosovo.

Dans une interview exclusive pour  albinfo.ch, Arban Abrashi,  ministre chargé pour le Travail et les Affaires sociales du Kosovo,  a annoncé la nouvelles tant espérée: ce jeudi, 1er juin 2017, le Kosovo va enfin signer avec la Suisse un accord sur la sécurité sociale. Cet accord, mieux connu comme « Accord sur les retraites » devrait donner fin à un vide de plus de sept années, soit depuis la non-reconduction, en avril de 2010, par la Suisse, des dits accords avec le Kosovo.

Dans son interview, A.  Abrashi  évoque l’historique des efforts des pourparlers en vue de la signature de cet accord. Il se dit convaincu quant à la bonne fonctionnalité dudit accord, à savoir, le versement des pension de retraite de la Suisse au Kosovo, et qui commenceront au plus tard au cours de l’année 2018. A cette occasion, le ministre en charge du dossier recommande aux retraités concernés par cet accord d’être prudents avant de prendre des mesures au sujet de leur éventuelle retraite et les invite d’attendre l’entrée en œuvre de cet accord. En outre, il remercie les personnes engagées auprès de la diaspora kosovare établie en Suisse pour leur contribution sur le plan de la sensibilisation et de l’assistance professionnelle fournie autour de la signature de cet accord.

Albinfo.ch: Ce jeudi, 1er juin 2017 sera signé l’Accord sur la sécurité sociale entre le Kosovo et la Suisse. En quelques mots, quelle fut la voie qui a abouti jusqu’à cet acte de signature?

Arban Abrashi:  La Convention, dont la République du Kosovo a hérité sur le plan des assurances sociales avec la  Suisse, a été interrompue en 2010 par la Confédération suisse. Depuis cette année-là, les Kosovars, qui ont atteint l’âge de la retraite, n’ont pas été en mesure de retourner au Kosovo et profiter de leur retraite. Après avoir reçu le mandat à la fin de 2014, nous avons eu connaissance de la situation qui a été créée et nous avons décidé d’en faire une priorité en vue d’aboutir à un nouvel accord. Tout d’abord, nous avons entretenu une correspondance avec les institutions correspondantes en Suisse. On nous a demandé de répondre à un questionnaire d’environ 100 questions portant sur notre système de retraite, mais aussi, sur l’infrastructure juridique du Kosovo. Après avoir fourni les réponses requises, et après avoir informé les autorités suisses sur les mesures que nous avons pris pour prévenir les abus, les autorités helvétiques ont demandé qu’un accord pilote soit conclu, ce qui prouverait que notre système de retraite et nos infrastructures juridiques sont fonctionnelles. L’accord pilote a été signé au début de l’année 2016 pour une durée d’environ six mois. Pendant ce temps, nous avons traité des centaines de cas et des demandes émanant des autorités suisses. Le projet pilote a reçu une évaluation positive du côté suisse et a permis d’ouvrir la voie à des négociations entre les deux pays. Le gouvernement suisse, sur la base de l’évaluation de ce projet pilote, a approuvé l’initiative en vue d’entamer des négociations avec le Kosovo. La première série de négociations a eu lieu en janvier 2017 à Berne, et la seconde, en avril 2017, à Prishtina, où en un laps de temps très court, nous avons été en mesure de finaliser le projet d’accord sur la sécurité sociale qui sera signé par les équipes techniques des deux pays, le 1er juin 2017.

Albinfo.ch: La signature en soi ne signifie pas encore le début de fonctionnement de l’accord. D’autres négociations sont attendues ainsi que la ratification qui doit être obtenue par les parlements respectifs. Comment voyez-vous la suite, après la signature?

Abrashi: Après la signature par les groupes de négociation, il y a les procédures établies par chaque pays sur la manière de procéder jusqu’à l’entrée en vigueur du présent accord. L’approbation prévue par les deux gouvernements est attendue ainsi que la signature par les ministres concernés, et c’est seulement après que nous pourrons passer à la procédure de ratification parlementaire dans chacun des deux pays.

Albinfo.ch: Avez-vous  une idée du temps que va prendre toute la procédure jusqu’à ce que les retraités du Kosovo de profiter de leur pension de retraite, même dans les cas où ils décideraient de vivre au Kosovo? Une date approximative à laquelle cela pourrait finir par arriver?

Abrashi: Compte tenu des procédures nécessaires, conformément aux lois et constitutions respectives des deux pays, nous espérons que les retraités commenceront à recevoir leurs pensions dès 2018. En ce qui concerne le Kosovo, nous espérons que toutes les procédures complémentaires et la ratification de l’accord auront lieu au cours de la seconde moitié de 2017. Quant à la Suisse, cette dernière possède ses propres procédures, et nous espérons, à cet égard, qu’elles s’aligneront au rythme de celles du Kosovo. En nous basant sur ce qui a été réalisé jusqu’à présent, nous avons de bonnes raisons de croire que nous allons avancer avec un bon rythme.

Albinfo.ch: Vous n’êtes pas sans savoir que dans le cas de la signature de ces accords avec d’autres pays issus de l’ex-Yougoslavie, la Suisse a permis aux citoyens concernés de bénéficier de leurs retraites sans interruption, même si les procédures entre les deux pays ont été prolongées de  2-3 années, voire plus. En ce sens, est-il prévu que les citoyens kosovars touchés puissent, au moins durant ce laps de temps (soit de la signature à la mise en œuvre finale de l’accord) recevoir tout de même leur retraite? Avez-vous du moins abordé cette question lors des négociations ?

A.Abrashi: Permettez-moi de vous rappeler que depuis 2010 le Kosovo n’a pas d’accord avec la Suisse alors que les autres États (de l’ex-Yougoslavie), au cours de la négociation d’un nouvel accord, ont continué à fonctionner avec l’ancien accord toujours en vigueur. Le vide, qui a prévalu durant cinq années consécutives, mène le Kosovo dans une situation où tout est à commencer depuis le début. Le manque d’intérêt et d’initiatives des gouvernements précédents pour l’ouverture des négociations durant ces cinq années, nous a fait perdre cette possibilité. Il est évident que nous avons abordé cette question au début des négociations, mais en raison de la spécificité de notre situation, il était impossible d’obtenir à nouveau la mise en œuvre de l’ancien accord pendant que nous négocions le nouvel accord.

Albinfo.ch: Quelle a été, selon la partie suisse, la raison de l’annulation de l’accord entre la Suisse et l’ex-Yougoslavie, en particulier pour les Kosovars, alors que ce dernier  (l’accord) a continué de fonctionner pour les autres Etats de l’ex-Yougoslavie. Comment justifie-t-elle  cette non reconduction de l’accord avec le Kosovo?

Abrashi: La partie suisse a décidé de mettre fin à l’accord en 2010 en raison de la perte de confiance dans les institutions du Kosovo, surtout en ce qui concerne le contrôle et la prévention des abus des citoyens kosovars qui auraient eu l’intention de profiter indûment du système de retraites suisses. Même que vous savez peut-être, qu’un tel cas d’utilisation abusive par un haut fonctionnaire du Kosovo avait provoqué un grand bruit dans les deux pays.

Quoi qu’il en soit, depuis lors, plus de sept ans se sont écoulées et nous nous sommes concentrés sur la réalisation d’un nouvel accord. Pour nous, trois éléments sont importants : parvenir aussi rapidement que possible à un nouvel accord, rétablir la confiance d’un pays ami comme la Suisse, et commencer la mise en œuvre de l’accord afin que nos compatriotes puissent profiter de leurs pensions.

Albinfo.ch: Comme vous le savez, avec  l’annulation de la partie suisse de l’accord social Suisse-Yougoslavie sur le Kosovo, les citoyens kosovars qui ont travaillé en Suisse, depuis maintenant sept ans, ont été privés de l’usage de la pension en cas de retour au Kosovo. Sept ans représentent une longue période et beaucoup des personnes touchées ont opté pour différentes solutions comme celle de retirer le capital accumulé dans la caisse de pension, et ce, sans attendre la signature de l’accord. Que recommandez-vous à ces personnes ? Vaut-il  mieux attendre le début de la mise en œuvre de l’accord?

A.Abrashi: Avant de prendre une quelconque décision, nous recommandons à toutes les personnes concernées de consulter le droit suisse et voir quelles sont leurs options. La partie suisse a répondu à de nombreuses questions sur la situation et a publié des informations  en langue albanaise sur son site web. Ces informations peuvent également être retrouvées sur le site de notre ministère. En fonction du temps d’attente et en fonction de la situation de chacun, il est recommandé d’évaluer  personnellement sa situation avant de lancer d’autres procédures prescrites par les lois suisses. Comme  évoqué, nous espérons que l’année prochaine nous pourrons commencer la mise en œuvre du nouvel accord.

Albinfo.ch: Il y a eu et il y a encore des avocats véreux qui tentent de tirer parti de la délicate situation des retraités kosovars établis en Suisse. Ces derniers leur ont soutiré d’argent en leur promettant de régler la question des retraites. Qu’avez-vous à dire aux retraités en question, maintenant que nous sommes à la veille de la signature d’un accord?

A.Abrashi: A ces retraités je leur suggère de mieux consulter avant d’entreprendre une  prochaine démarche. Il vaut mieux consulter le droit suisse, voir quel est leur intérêt, et d’avantage se méfiez des avocats véreux, comme vous les avez si justement dit.  Étant donné que nous sommes sur le point de parvenir à un accord, les retraités doivent évaluer les options les plus avantageuses qui se présentent devant eux.

Albinfo.ch: Quelle a été la contribution de la diaspora, à savoir, sur le plan de la pression exercée à votre encontre  (c’est-à-dire à l’encontre du gouvernement) afin d’accélérer les démarches e vue d’amorcer un nouvel accord?

Abrashi: Nous avons consulté les membres de notre diaspora, et à cet égard, nous leur en  sommes très reconnaissants, notamment pour l’aide professionnelle que certains d’entre eux nous ont offert. Leur contribution la plus importante a été dans notre prise de conscience de l’urgence de cette question, sur le déni de leurs droits en raison de négligence de nos institutions. Notre diaspora a aidé le Kosovo depuis des décennies et maintenant  c’est à nous de nous montrer responsable pour répondre à leurs besoins.

Albinfo.ch: La Suisse a récemment décidé d’introduire dans les accords sociaux avec les autres une clause qui oblige les deux pays à observer, à intercepter les cas d’abus de pensions. Est-ce que cette clause est prévue dans ledit accord?

Abrashi : Le contenu de l’accord, jusqu’à la signature par les groupes techniques, reste une question fermée au public, et ce, conformément à un accord préalablement conclu entre les deux parties. Mais pour ce que vous demandez, je peux vous dire que nous sommes déjà en train de lutter contre ce phénomène que  nous avons déjà réussi à neutraliser un grand nombre de malfaiteurs et abuseurs de notre système de retraites. Notre travail dans ce sens a été l’une des raisons qui a contribué à entamer des négociations pour un nouvel accord. Nous avons convaincu la partie suisse avec notre travail, notre sérieux, et grâce aux résultats obtenus au cours des deux dernières années. Les abuseurs continueront à être poursuivis par les voies légales parce que nous ne devons pas permettre l’utilisation abusive de l’argent des contribuables du Kosovo, ni ceux des autres pays.

Voilà pourquoi il n’y aura pas de retraites jusqu’au début de la mise en vigueur de l’accord

Le vide qui a prévalu durant cinq années consécutives mène le Kosovo dans une situation où tout est à commencer depuis le début, explique pour albinfo.ch M. Abrashi. Le manque d’intérêt et d’initiatives des gouvernements précédents pour l’ouverture des négociations durant ces cinq années, nous a fait perdre cette possibilité. Il est évident que nous avons abordé cette question au début des négociations, mais en raison de la spécificité de notre situation, il était impossible d’obtenir à nouveau la mise en œuvre de l’ancien accord pendant que nous négocions le nouvel accord.