Kosova

Identités mixtes et diasporas, quelle image dans la bande dessinée ?

Du 20 au 22 mai prochains, à Prishtina (Kosovo) aura lieu la troisième édition du GRAN Fest, dont le programme spécial requiert une collaboration exceptionnelle : avec l’association suisse Albinfo.ch.

GRAN Fest et l’association albinfo.ch, propose une réflexion originale et inédite sur la représentation de diversité dans les bandes dessinées. Grâce à la présence de personnalité talentueuses de la scène de la BD, les organisateurs vous propose un évènement de découverte et d’analyse autour des œuvres des bandes dessinées. Pour cette troisième édition, l’expertise journalistique et sociologique de l’association albinfo.ch se joint à GRAN Fest, et pose déjà les jalons du débat : comment la BD aborde-t-elle dans sa narration graphique la diversité ? Comment la mixité sociale est-elle représentée par les auteurs de Bandes dessinées ? Quant aux diasporas, celles-ci feront l’objet d’une véritable conversation avec des figures de proue de la BD intercontinentale.

Lors d’une conférence sur l’émancipation de femmes par le roman graphique, dans la Bibliothèque Nationale du Kosovo, la genevoise Salomé Joly avouait y « être entrée par hasard » avec son premier scénario . Pour cette juriste de profession, l’incursion n’était pas censée avoir de suite. Sauf que, ayant pris conscience de la puissance du mode de communication, elle mijote déjà le projet suivant.

GRAN Fest (acronyme de International Graphic Novel Festival) naquit de la passion de trois personnes conscientes des possibilités de la narration graphique. Tout en sachant aussi que le publique avait perdu la mémoire de ce que, jusqu’au début des années 1990, on appelait strip , et qu’on trouvait dans presque toute la presse kosovare en albanais. Les tensions politiques et l’hiatus culturel qui s’ensuivit en sonnèrent le glas : la presse en albanais disparaissait, et les jeunes Albano-Kosovars perdaient les connaissances nécessaires pour pouvoir la consommer en serbe ou en croate.

Afin de faire ressurgir l’art de la BD, GRAN Fest refusa de s’aligner à l’idée que la jeunesse s’en faisait à travers les adaptations cinématographiques des comic books de super-héros, ou les succès commerciaux du manga japonais. La BD pouvait être bien plus que cela !

Le défi était de taille. Le vocable strip ne reflétait pas la réalité contemporaine: les bandes du bas des pages des journaux ont cédé depuis longtemps le pas aux histoires publiées en livres. En Albanie, le référent linguistique habituel, il n’y a jamais eu de noms appropriés, puisque le genre même n’y a jamais existé. GRAN Fest proposa la dénomination roman grafik (roman graphique), refusant les libër komik (calqué malencontreusement sur l’anglicisme, avec les premières publications qui n’avaient rien de drôle ) ou libër vizatimor (livre dessiné) trop enfantin.

La première édition de GRAN Fest, en 2019, compta avec la présence des figures de proue de la BD européenne (le Belge Hermann, le Français Franck Margerin et le Britannique Dave McKean). Il y avait aussi des invités de choix du Brésil, de la Finlande, des USA et du Japon. L’exposition de leurs œuvres fut suivie d’un débat sur les préjugés culturels et sociaux véhiculés par la narration graphique.

Le GRAN Fest 2020 fut annulé, à l’instar des autres manifestations culturelles de cette malheureuse année.

L’édition de 2021 se prépara dans la totale incertitude, et on ne fit appel qu’à des auteurs européens. L’événement fut organisé par l’entité récemment créée, ProARTE Institute, qui décida de procéder par thèmes. Pour commencer : « Les femmes et le roman graphique ». À l’exception des extraordinaires David Prudhomme et Stefano Casini, il n’y avait que des invitées. On décida également d’acheter des licences, publier trois romans graphiques et de les offrir gratuitement.

La réponse du public dépassa les expectatives : l’expo fut amplement visitée, les livres raflés (on devait en remettre constamment), et la dédicace devint un événement en soi, avec des lecteurs bouche bée devant les dessinatrices qui déballaient leur attirail d’aquarelle. Du jamais vu au Kosovo. On projeta également le documentaire Digital détox de Lili Sohn, en première mondiale (avec le permis du producteur France Télévision). Les conférences réveillaient l’intérêt du public et des médias. En sus des portails informatifs, sept programmes de différentes télévisions furent consacrés au GRAN Fest, avec la diffusion étalée jusqu’au 19 novembre, plus d’un mois après la fin du festival.

Pour son édition 2022, GRAN Fest et l’association albinfo.ch questionne en exclusivité le thème des diasporas dans la BD

Fort de ce succès, GRAN Fest aborde le thème des Identités Mixtes, pour parler des diasporas dans sa troisième édition. On a tendance à considérer l’émigration comme un mouvement des pauvres vers les pays riches, avec une dose de misérabilisme. Mais même l’émigration économique termine par une immersion culturelle. Sans pour autant effacer les racines – quelque chose de bien patent dans Un thé pour Yumiko (qui sera traduit et publié par GRAN Fest) du Japonais Fumio Obata.

Conséquemment, ProARTE s’allie avec l’association Albinfo.ch, dont le projet d’information est une référence obligée pour la diaspora albano-kosovare. Cette collaboration permettra d’adjoindre à l’art narratif l’expérience sociologique d’une entité spécialisée dans les défis liés à la diversité et la mixité. Il est loin le temps où les Kosovars vivaient en ghetto : dans la Suisse d’aujourd’hui, ils sont un exemple d’intégration dans la vie culturelle, sportive, celle des affaires, et même politiques, dans un pays construit par des diasporas successives, avec un inimitable talent pour faire se côtoyer des diverses cultures. Vjosa Gervalla, directrice et co-fondatrice de l’association albinfo.ch, témoin de ces transformations, est à même de rendre possible une édition de GRAN Fest qui marquera inévitablement un avant et un après. Sous son égide, albinfo.ch prend les devants avec un événement inédit et innovant, Takimi (La rencontre) du 24 au 25 mars 2022 , une rencontre exclusive entre notamment des entrepreneurs suisses et les meilleurs talents que le Kosovo puisse fournir.

Identités mixtes en images

En mai prochain, la cubaine Duchy Man Valderá apportera sa touche de nostalgie avec Rosa de La Habana, la taiwanaise Li Chin partagera avec nous l’expérience du conflit de l’identité taiwanaise avec celle chinoise, Vera Brosgol nous racontera ce que c’est que d’être adolescente d’origine russe aux USA (Be Prepared), tandis que Michel Kishka nous fera comprendre l’effort nécessaire pour surmonter le fossé avec la génération précédente, celle qui a souffert la Shoa. Nous connaîtrons Cyril Pedrosa, fils de Portugais, qui a rencontré le succès en narrant la recherche de ses racines.

En bref, nous accueillerons des invités de France, Belgique, Suisse, Espagne, Italie, Allemagne, Norvège, Japon, Taiwan, Israël, Iran, Maroc et Argentine. On exposera aussi de nos artistes de la diaspora. Il y aura des romans graphiques, des images, de la musique, des conférences, du cinéma. Et bien d’autres surprises !