Kosova

Coopérative FILIGRAN, Ville de Prizren, Kosovo

Aujourd'hui, en entrant dans un petit atelier fourni par la municipalité de Prizren, nous pouvons compter le personnel sur les doigts d'une main

Définition de « filigrane » selon Wikipedia: « …bijouterie antique en particulier; Ce sont de minces fils de métal, en or ou en argent, torsadés ou pas, soudés sur une plaque de métal ou entre eux et laissant des jours, des espaces vides. La filigrane produit donc un effet de « broderie. L’orfèvrerie étrusque en usa depuis sa période orientaliste. … ».

Malheureusement, les gloires du passé ont disparu depuis longtemps… L’époque où l’entreprise comptait près de 150 employés est révolue… Aujourd’hui, en entrant dans un petit atelier fourni par la municipalité de Prizren, nous pouvons compter le personnel sur les doigts d’une main. Et cette tradition millénaire de la “filigrane” semble s’être arrêtée dans le temps, dans une lutte continue pour la préserver pour les nouvelles générations. Les 5 travailleurs présents sont tous âgés de plus de 60 ans.

L’une de ces dames, qui ressemble presque à un chirurgien au travail, vu la précision requise, a 72 ans et exerce ce métier, transmis de père en fils, depuis 50 ans. Elle a déjà vu beaucoup de choses dans sa vie et a également dû affronter la peur et la douleur de deux guerres, celle de l’ancienne Yougoslavie et celle pour l’indépendance du Kosovo. Malgré cela, ses yeux montrent toujours une énorme passion pour son travail.

Il est 8h30 du matin quand j’entre dans ce coin du passé. Les tables de travail sentent le poids des décennies, les presses sont également très vieilles, mais de construction robuste et toujours en état de marche. Les néons ne contribuent pas à créer un environnement chaleureux et accueillant, mais les personnes qui travaillent ici s’en occupent, en m’accueillant à bras ouverts.

Aujourd’hui, ils vont me montrer comment est créée une de leurs pièces uniques ! Car avec cette technique manuelle, aucune pièce ne sera jamais complètement identique. A moi de tenter de reporter en images la difficulté et la valeur de leur travail. La première étape vers l’achèvement de ce travail consiste à fondre des morceaux d’argent, avec 2% de cuivre, pour former une sorte de bâton d’un centimètre de diamètre (PHOTO 1).

Une fois refroidie, la pièce passe à plusieurs reprises dans une presse (PHOTO 2), formant une longue corde de quelques millimètres d’épaisseur. Après un bref passage sous le chalumeau, la corde est ensuite placée sur une autre presse qui formera les cordes avec les dimensions requises pour le traitement (0,5 mm, 1 mm, etc.).

Le travail de précision pour produire notre pendentif peut alors commencer. Sur la table de travail (PHOTO 3), dans un désordre bien organisé, se trouvent presque tous les outils utilisés, comme un morceau de métal coupé à l’échelle, qui donnera la taille à utiliser en fonction de la pièce que vous voulez produire. C’est là que, tout d’un coup, tout le monde se concentre avec diligence sur ces minuscules pas, comme si rien ne pouvait les déranger.

 

Soudain, les voilà, nos 5 mousquetaires (PHOTO 4), presque comme s’ils formaient une seule unité derrière leur ancienne station. J’essaie de me rendre presque invisible pour ne pas les déranger et le silence n’est rompu que par le bruit de l’obturateur de l’appareil photo qui clique à plusieurs reprises. De temps à autre, je dois m’arrêter et observer en silence l’habileté avec laquelle ces sorciers de la filigrane travaillent.

Je ressens une grande forme de respect envers la dame qui se trouve devant moi (PHOTO 5), qui lève rarement la tête de cette œuvre d’art qui voit la lumière peu à peu. De temps en temps, elle me lance un regard furtif et un petit sourire, comme pour me dire… ne t’inquiète pas, tu ne me déranges pas.

En attendant, le cadre de mon pendentif est terminé et on procède à son remplissage avec de minuscules pièces roulées (PHOTO 6) qui forment une sorte de dentelle à l’intérieur. Comme l’ajustement d’un puzzle, ce petit bijou prend lentement sa forme définitive. La poudre d’argent placée sur l’objet est comme le dernier ingrédient, magique (PHOTO 7).

La flamme judicieusement utilisée par notre ouvrier (PHOTO 8) vient cimenter définitivement cette petite œuvre d’art. Après avoir refroidi le pendentif dans l’eau et l’avoir passé dans une solution acide qui évitera l’oxydation, voici que les mains de notre ami, usées par des années de dur labeur, de manipulations de machines, de solutions acides, mais toujours précises, nous montrent avec fierté le résultat final (PHOTO 9).

 

Et comme s’ils se sentaient redevables envers moi, ce petit pendentif m’est offert…. Il n’y a pas de grande valeur économique dans cette pièce, mais une grande valeur symbolique et affective, comme si d’une certaine manière j’avais été adopté par ces gens ! De magnifiques souvenirs immortalisés par mes modestes images.