Intégration

La « Communauté albanaise de Genève » se politiserait-elle ?

Un appel à voter émis par l'association de la « Communauté Albanaise de Genève » (KSHGJ) concernant les objets qui seront soumis au peuple le 24 novembre prochain, a provoqué des réactions de la part d'associations soeurs et du Parlement des Albanais de Suisse.

L’association invite les Albanais de Genève à se prononcer favorablement sur l’initiative populaire lancée par l’Union démocratique du centre (UDC) qui vise à déduire fiscalement les familles assurant elles-même la garde de leurs enfants. Selon cette organisation, les Albanais de Genève devraient se positionner contre la modification de la loi sur la vignette autoroutière.

Cet appel a été diffusé par e-mail par le président de l’association, Ali Mehmeti. Ce dernier qualifie cette position d’apolitique : « Nous ne pensons pas que notre positionnement soit politique. Il ne s’agit pas d’affaires politiques lorsqu’une question est posée au peuple : il s’agit de bien plus que de politique. Cela devient un questionnement social, économique, social, culturel et parfois même philosophique », déclare-t-il à albinfo.ch.

En outre, selon lui, une telle prise de position est conforme aux statuts de l’association. Celle-ci s’engage en faveur de l’intégration des Albanais au sein des institutions helvétiques. « Il est écrit dans nos statut que notre association a pour objectif l’intégration la plus efficace possible de la communauté albanaise au sein de la société suisse. J’ose espérer que lorsqu’on parle d’intégration, on parle également de participation aux référendums, notamment lorsqu’il s’agit de sujets qui nous touchent directement », continue Mehmeti.

Jeton Kryeziu, président du Parlement des Albanais de Suisse et avocat, est d’un autre avis. Il salue les activités de l’association de la « Communauté Albanaise de Genève », qui s’engage pour les intérêts des Albanais ainsi que pour leur intégration dans la société suisse. Jeton Kryeziu n’est pas étonné par la prise de position de l’association, mais au vu de celle-ci, il trouve que ses statuts ne suivent pas une logique ferme. Par ailleurs, il rappelle également la possibilité fixée par la loi de créer une association à visée politique. Il est inscrit dans ses statut que « la KSHGJ est une association à but non lucratif, apolitique et non religieuse. Même si l’association n’est pas politique, dans différentes occasions, et lorsque l’avis des citoyens est demandé au niveau communal, cantonal ou fédéral, la KSHGJ se réserve le droit de se positionner sur certaines questions, selon les intérêts qu’elle défend ».

Pour Kryeziu, ces statuts se contredisent en soi, et les objectifs de l’association ne sont pas bien définis. Maitre Kryeziu informe également qu’il n’est pas du ressort de l’association de demander à ses adhérents de manière directe ou indirecte de voter ou de pousser d’autres à voter dans un sens ou dans l’autre.

L’UDC, le parti politique traditionnellement opposé aux étrangers

Pour l’avocat, le fait que l’association soutienne l’initiative de l’UDC n’est pas problématique en soi. Selon lui, il reste cependant impératif de se pencher sur les véritables motivations du parti politique. « Jusqu’à ce jour, il s’agit du parti politique qui a lancé le plus d’initiatives hostiles aux étrangers. Les personnes les plus concernées par une telle initiative restent les communautés étrangères, qui pourront par le futur être potentiellement dénoncées comme étant les « coupable » d’une augmentation des coûts sociaux. En effet, les familles d’origine étrangère sont souvent celles qui ont le plus d’enfants et il est à parier que ce type d’initiative encouragera les mères de ces familles à arrêter de travailler. Il n’est pas non plus à exclure que d’ici trois ou quatre ans, une nouvelle initiative de l’UDC ne soit lancée, dénonçant les « étrangers » qui profitent de cette même modification de la loi. Cette initiative a l’allure d’une « pomme empoisonnée », explique le président du Parlement des Albanais de Suisse.

« Il me semble important que la communauté albanaise renforce les positions occupées par les femmes albanaises en Suisse. Il est évident que cette initiative n’encourage pas les femmes à travailler. Au contraire, elle pourrait bien amener les hommes albanais à demander à leurs épouses d’abandonner leurs postes, bridant ainsi les opportunités professionnelles de celles-ci. Il me semble qu’il s’agit là d’un pas en arrière », continue le président du Parlement des Albanais de Suisse.

Albana Krasniqi Malaj : Le nom de cette association prend en otage toute la communauté albanaise de Genève.

Albana Krasniqi Malaj, directrice de l’Université populaire albanaise, explique qu’en temps normal, l’association aurait dû rassembler le Parlement des Albanais de Suisse, faire voter sa position auprès de ce dernier, et attendre de la voir ratifiée, avant de donner publiquement des instructions de vote. « A partir du moment où une décision est prise de manière démocratique, celle-ci peut légitimement être considérée comme la voix d’une communauté qui respecte l’expression libre de ses membres.

Mais pour Krasniqi, la question devient délicate lorsqu’une association auto-proclamée comme étant la « Communauté albanaise de Genève », crée un amalgame au sein de la population albanaise de Genève. Celle-ci se retrouve confrontée à une décision prise par le nombre très restreint des membres d’une association particulière, qui ne peut prétendre représenter toute la population albanaise de Genève. « L’Université populaire albanaise n’aurait pas réagi si cette association n’avait pris en otage la communauté albanaise de Genève. Celle-ci est composé de plus de 15 mille personnes », déclare-t-elle à albinfo.ch.