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L’AEAG réagit suite aux inculpations des Chambres spécialisées du Kosovo

A travers son communiqué de presse, l'Association des Étudiant·e·s Albanais·es de Genève questionne le rôle des chambres spécialisées du Kosovo et rappelle la résistance de l’UÇK face aux forces armées serbes au Kosovo.

Le 5 novembre 2020, les chambres spécialisées du Tribunal du Kosovo de La Haye ont confirmé les actes d’accusations pour crime de guerre à l’encontre de Hashim Thaçi, Kadri Veseli, Jakup Krasniqi et Rexhep Selimi. Ces quatre anciens combattants de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) devront répondre à dix chefs d’accusations pour des crimes qu’ils auraient commis pendant la guerre du Kosovo entre 1998 et 1999. Suite à ces inculpations, le Président Hashim Thaçi a immédiatement présenté sa démission.

L’Association des étudiants albanais de Genève, a décidé de réagir face à ces nouvelles et ainsi établi un communiqué de presse dans lequel il souhaite notamment:
1) Questionner le rôle des chambres spécialisées du Kosovo
2) Rappeler la résistance de l’UÇK face aux forces armées serbes au Kosovo

 

Communiqué de Presse – Genève, le 07.11.2020
Association des Étudiant·e·s Albanais·es de Genève

Guerre du Kosovo, justice pour tous ?

Le 5 novembre 2020, les Chambres spécialisées du Tribunal du Kosovo de La Haye ont confirmé les actes d’accusations pour crime de guerre à l’encontre du Président du Kosovo : Hashim Thaçi, du Président du PDK : Kadri Veseli, de l’ancien Président du Parlement : Jakup Krasniqi et du député : Rexhep Selimi. Ces quatre anciens combattants de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) devront répondre à dix chefs d’accusations pour des crimes qu’ils auraient commis pendant la guerre du Kosovo entre 1998 et 1999. Suite à ces inculpations, Hashim Thaçi a immédiatement présenté sa démission. Ces inculpations entachent la lutte de l’Armée de Libération du Kosovo. C’est pourquoi, à travers ce communiqué notre association tient, dans un premier temps, à questionner le rôle des chambres spécialisées du Kosovo et de rappeler, dans un second temps, la résistance de l’UÇK face aux forces armées serbes au Kosovo.

Il nous faut rappeler que la création des chambres spécialisées pour le Kosovo a été votée par le Parlement du Kosovo en 2015, sous la pression de l’Union Européenne et des États-Unis. Nous devons admettre que la création de ce Tribunal est due en grande partie à l’échec du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui n’est pas parvenu à juger l’ensemble des crimes de guerres durant les conflits dans la région. Le manque de reconnaissance du génocide et la déportation des Albanais-es du Kosovo menée par le régime de Milosevic a rendu difficile la défense de l’Armée de Libération du Kosovo vis-à-vis de la communauté internationale. À titre d’illustration, la création d’une commission de recherches et d’archives sur les crimes de guerre a failli. Il s’agit pourtant d’un élément fondamental dans le processus de création d’un État et de l’instauration de la justice pour les victimes et les survivant-e-s de la guerre. Les dirigeant-e-s du Kosovo doivent endosser ces responsabilités quant à cet échec mais également la communauté internationale, notamment l’Union Européenne et les États-Unis.

Il nous faut également rappeler que ce Tribunal, bien qu’il se situe géographiquement à la Haye et qu’il est sous l’égide de l’Union Européenne, fait entièrement partie du dispositif institutionnel et juridique du Kosovo. À ce titre, nous déplorons le caractère mono-ethnique de ce Tribunal, alors que le pays se définit constitutionnellement comme étant multi-ethnique. En effet, seul-e-s les Albanais-es du Kosovo seront jugé-e-s pour de potentiels crimes de guerre. Nous regrettons également qu’aucun-e juge albanais-e ne fasse partie du collège en charge de ce Tribunal. Selon le statut des Chambres spécialisées et du bureau du procureur spécial, le Tribunal a la compétence de poursuivre et juger toute personne ayant commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité sur le territoire kosovar du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000. En n’ayant pour cible que les Albanais-es, les Chambres spécialisées font ainsi preuve de partialité. En effet, durant cette période, la grande majorité des crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été perpétrés par l’armée serbe de Milosevic. Ainsi, bien que le gouvernement serbe ne fasse pas partie du champ d’action du Tribunal spécial, cela ne veut pas dire que les Chambres ne devraient pas enquêter et poursuivre ses responsables militaires, qui ont été impliqué-e-s dans le génocide, conformément à la loi, même en procès par contumace. En conclusion, le Tribunal peut poursuivre tout-e auteur-e ayant commis les crimes les plus graves internationaux sur le territoire du Kosovo durant la période du conflit armé.

Ces différents échecs qui ont conduit à la création du Tribunal spécial ne doivent cependant pas changer la narration de la guerre du Kosovo. C’est pourquoi, il est de notre devoir de rappeler à la communauté albanaise en Suisse et à la communauté internationale que ces inculpations ne rendront jamais illégitime la résistance de l’UÇK, ni de ses combattant-e-s, ni du peuple albanais face aux crimes perpétrés par la Serbie au Kosovo. L’UÇK s’est formée alors que la Serbie avait déjà ouvert les hostilités en Yougoslavie. Cette armée s’est formée en réaction à la progression fulgurante et violente du régime fasciste de Milosevic, faisant suite à plusieurs années d’apartheid à l’égard des Albanais-es du Kosovo. L’UÇK était un mouvement qui avait pour but la libération du Kosovo. Elle était composée de civils (hommes et femmes) et s’apparentait davantage à une guérilla qu’à une armée d’état telle que l’a été l’armée serbe. Il est important de rappeler 3 que l’UÇK n’avait que pour unique vocation de défendre sa population et son territoire.

En avril 2019, notre association avait organisé une exposition photos au sein de l’Université de Genève pour rappeler les dégâts commis par le régime de Milosevic au Kosovo. Nous tenons ici à rappeler certains faits reportés par différentes organisations internationales.

a. 10’812 Albanais-es, une grande majorité de civils, ont perdu la vie pendant la guerre Kosovo. Parmi les victimes on dénombre 1235 personnes qui avaient moins de 18 ans, dont 229 moins de 5 ans. 2’002 victimes avaient plus de 65 ans.

b. Plus de 90% de la population albanaise a été forcée d’abandonner son domicile. 862’797 d’entre eux·elles se sont réfugiés en Albanie, en Macédoine, au Monténégro et en Bosnie.

c. 40% des maisons résidentielles ont été totalement détruites ou fortement endommagées.

d. 60% des écoles ont été complètement détruites et 20% lourdement endommagées. Il en est de même pour 218 mosquées et 11 tekkés.

e. Le Kosovo comptait 3’525 personnes disparues. En 2001, à Batajnica près de Belgrade, un charnier contenant le corps 700 Albanais-es est découvert sur le site d’une caserne anti-terroriste de la police serbe. En décembre 2013, un autre charnier est découvert au sud de la Serbie, contenant le corps de 250 Albanais-es. En mars 2014, 48 corps d’Albanais-es ont été retrouvé-e-s dans un aéroport militaire près de Belgrade. Aujourd’hui encore, on dénombre 1’696 personnes disparues au Kosovo, dont le politologue et éminent intellectuel Ukshin Hoti.

f. On estime que plus 20’000 femmes et hommes ont été violé-e-s pendant la guerre du Kosovo.

À ce jour, la Serbie n’a pas encore répondu de ses crimes. Elle n’a jamais payé pour les crimes et les dégâts qu’elle a causés à la population albanaise et n’a jamais non plus cherché à s’excuser. L’actuel Président serbe, Aleksander Vuçiç était alors ministre de l’information sous le régime ségrégationniste de Milosevic, il n’est à ce jour aucunement inquiété par les crimes commis par l’état serbe au Kosovo.

En tant qu’association des étudiant-e-s albanais-es de Genève, nous nous rangeons du côté de la justice et du droit. Nous espérons que justice sera faite, mais nous sommes forcé-e-s de constater que les Albanais-es doivent répondre davantage à la justice alors qu’ils/elles ont été les principaux-ales victimes du régime génocidaire de Milosevic.

Les réparations n’ont pas été suffisantes pour que les Albanais-es puissent tourner la page. Le manque de justice à leur égard, le manque de reconnaissance en tant que victimes de guerre et dans une différente mesure, le manque de reconnaissance de son indépendance par une Serbie qui la considère toujours sienne, un manque de considération de l’Union Européenne concernant notamment la libéralisation des visas tiennent lieu de l’insuffisance de ces réparations. Le Kosovo a tant sacrifié et il continue de sacrifier aujourd’hui sa jeunesse. Toutefois, notre association et l’ensemble des Albanais-es se battront pour qu’on ne lui arrache pas ce pour quoi il s’est battu en 1998 et 1999, et les décennies qui ont précédées.

Les documents publics de l’acte d’accusation :

https://repository.scpks.org/details.php?doc_id=091ec6e98037f115&doc_type=stl_filing_annex&lang=eng

Contacts :
Marigona Iseni : 079 935 28 20
Edon Duraku : 079 302 20 61

Association des Étudiant·e·s Albanais·es de Genève
c/o Uni Mail – Boulevard du Pont-d’Arve 40, 1205 Genève.
[email protected]

 

 

Communiqué-AEAG-7.11.2020--1

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