Intégration

Pour une Macédoine citoyenne ou ethniquement divisée

Le débat amorcé lors de la table ronde à Berne, organisée par albinfo.ch et où ont participé les principaux candidats de l’opposition macédonienne, Ziadin Sela, maire de Struga et président du Mouvements pour des Réformes du bloc albanais de Macédoine (LR-PDSH) et Zoran Zaev maire de Strumica et président des sociaux-démocrates de Macédoine, fut une opportunité rare. Cet évènement a eu pour mérite d’avoir uni autour d’une même table les deux représentants des camps de l'opposition afin de livrer leur regard sur la gouvernance politique de ce pays, mais aussi l'avenir de la Macédoine.

 

 

 

Le débat de ce dimanche à Berne, organisé par la plateforme albinfo.ch, s’est développé autour de la question des élections en Macédoine et de la relation du pays avec sa diaspora. En guise d’introduction, le directeur de la plateforme albinfo.Ch. Dr. Bashkim Iseni a commencé par présenter la mission d’albinfo.ch, en tant que pont entre les diasporas albanophones en Suisse et les pays des Balkans d’où ils sont issus. B. Iseni a insisté sur le fait que c’est la première fois qu’une plateforme offre à deux hauts responsables politiques et représentants de deux camps d’opposition, et issus de deux groupes ethniques, une tribune pour exprimer leurs visions respectives au sujet des élections en Macédoine, mais aussi, au sujet de la situation général du pays ainsi que de son avenir.

En introduisant les deux invités de la Macédoine, le directeur d’albinfo.ch a informé le public qu’il s’agissait d’un cycle de débats, cette fois-ci avec l’opposition, avec des figures politiques de haut niveau qui incarnent une réelle alternative à la classe politique au pouvoir à Skopje. L’alternative porte sur le fait que M. Zoran Zaev a pour but de dépasser le modèle ethnique en recourant à la création d’un modèle de société civile. Dr. Iseni a également présenté M. Sela comme un homme politique à la tête d’une coalition albanaise engagé pour gagner les élections du 11 décembre 2016.

  1. Sela : « La politique des deux camps a fait semblant d’avoir trouvé une solution »

Dans son discours, Ziadin Sela a fait remarquer qu’en Macédoine, en ce qui concerne la position des Albanais sur place, la situation est intenable. “Et c’est le cas, non seulement depuis l’accord d’Ohrid à nos jours, mais depuis 1912 déjà. Depuis cette époque, le nettoyage ethnique des Albanais en Macédoine est inscrit à l’ordre du jour. Ceci explique la raison pour laquelle nous sommes si nombreux à vivre à l’étranger. Le nettoyage ethnique, sous sa forme économique, est le plus dangereux, car il opère en abandonnant les Albanais sans perspective économique, en stimulant le chaos politique, en retirant auprès des jeunes tout espoir et en encourageant les actes criminels dans le pays. Tout au long de cette période, les représentants des deux groupes ethniques ont agi comme s’ils avaient trouvé la solution, alors que cela n’a jamais été le cas”, a-t ‘il souligné. M. Sela s’est dit toutefois satisfait lorsqu’il constate qu’actuellement, à la veille des élections, “le bloc macédonien se montre disposé à résoudre ces problèmes. Cela dit, cette solution ne peut être trouvée dans le cadre des « Accord d’Ohrid » (de 2001, n.d.l.r.), car cet accord a eu tout le temps nécessaire pour s’exécuter sans succès “, a-t-il souligné.

Il a en outre ajouté que le statut des Albanais en Macédoine devait être réglementé en premier lieu par les Albanais eux-mêmes. M. Sela n’a pas manqué de souligner qu “en réglant le statut des Albanais en Macédoine, on répondait par la même occasion à l’objectif de nos amis internationaux qui est la stabilité de ce pays. Nous sommes en faveur de la stabilité mais pas pour une stabilité à tout prix, comme cela s’est déjà produit jusqu’ici “.

Ziadin Sela a félicité Zoran Zaev  pour avoir découvert les écoutes et rendu publics un grand nombre de scandales politiques macédoniens. Cela dit, « M. Zaev aurait dû tout publier (y compris celles impliquant les politiciens albanais du pays, n.d.l.a.), ce qu’il n’a pas fait. Et c’est en cela qu’on peut parler de manipulation. L’argument stipulant une crainte d’assister à une escalade de la tension, un raisonnement formulé par Zaev en guise de justification, ne tient par la route puisque la situation est déjà tendue “, a expliqué Z. Sela.

Zaev: “Nuk mund te jemi të mirë vetëm ne, maqedonasit, ndërsa të gjithë të tjerët të këqij!”

Z : Zaev : « Nous ne pouvons pas être les seuls bons, nous les Macédoniens, contre tous les autres, mauvais »

De son côté,  Zoran Zaev a affirmé sa position contre le «régime» et n’a pas manqué de rappelé son activité contestataire contre les partis au pouvoir. «La Macédoine, indépendamment de ses appartenances nationales, religieuses et politiques, doit être unie afin de faire pression vers la sortie du régime en place. Ici, nous sommes unis et je m’exprime, en tant que représentants de la composante politique macédonienne, dans un rassemblement où les Albanais constituent la majorité. Ceci est historique. Je suis le premier politiciens macédonien à m’être engagé pour l’égalité et l’unité, et ce, malgré le risque de perdre les voix de ceux qui ne croient pas en cette égalité. J’aborde ces questions et peu importe qui en sera affecté, car je veux œuvrer pour le bien de la Macédoine. Lorsque j’ai publié les fameuses « bombes » (écoutes téléphoniques, n.d.l.a.), j’ai constaté que l’argent avait été volé par les deux camps ethniques. C’est un système mafieux, qui indépendamment de l’appartenance ethnique, profite de cet argent.

L’argent a été investi pour les monuments, les musées qui, au lieu d’unir, divisent le pays. Et cela va plus loin encore: ces constructions sèment la zizanie avec nos voisins. Nous ne pouvons pas être les seuls bons, nous les Macédoniens, contre tous les autres, mauvais. On m’a averti que ma position me porterait préjudice. Je conscience de cela, mais le contraire affecterait bien plus la Macédoine “.

Andreas Gross : « Si ces processus ne cessent, nous pourrons dire alors au revoir à l’existence de Macédoine»

Le président de l’association d’albinfo.ch, célèbre politicien en suisse, ancien député conseiller national et député du Conseil de l’Europe, Dr. Andreas Gross,  a été présenté à ce débat comme un ami et éminent connaisseur de la Macédoine et de la question albanaise.

“Au cours de ces dix dernières années, la Macédoine a été divisée et désintégrée plus que jamais auparavant. Nous sommes face à une grande désagrégation entre les hommes politiques et les citoyens. Les politiciens ne sont plus connectés à la société, c’est une catastrophe qui montre que la démocratie ne fonctionne pas. Si ces procédés ne devaient pas cesser, nous pourrons dire alors au revoir à l’existence de la Macédoine» s’est alarmé A. Gross. Vous devez vous ouvrir à l’opposition et répartir le pouvoir entre les groupes ethniques et l’opposition. Nous avons besoin de changer la Constitution. Pour changer cela, vous devez résoudre le problème de la langue. Les deux langues doivent être traitées de façon identique. Elles doivent fonctionner en tant que langue officielles et être utilisées dans toutes les régions du pays, comme c’est le cas en Suisse. Quant à l’accord d’Ohrid, celui-ci est déjà dépassé” a terminé Dr. A. Gross.

Le débat a ensuite été animé par l’intervention du public, très nombreux dans la salle et online, qui a soulevé et adressé de nombreuses questions et de préoccupations à l’attention des panélistes de la table ronde.