News

Syrie: l’endoctrinement mensonger des Albanais

En moins d'une semaine, trois volontaires kosovars ont trouvé la mort dans la guerre civile en Syrie. Ce type d'engagement inquiète les institutions kosovares qui appellent les citoyens à ne pas s'enrôler dans ce conflit. Des experts kosovars se prononcent pour albinfo.ch sur ce sujet sensible.

Un message vidéo en albanais appelant les Kosovars à aller combattre le régime de Bashar el-Asad a rendu célèbre Lavdim S, originaire de la ville de Kaçanik. Appelés au nom d’Allah pour se battre dans le pays de Cham pour la défense de leurs «frères et sœurs musulmans», c’est des dizaines ou centaines d’albanais qui combattent aux côtés des insurgés syriens.

Un message reçu trois jours auparavant de la région d’Alep, émanant d’un combattant d’origine albanaise, relaie que lui et ses amis musulmans sont «sains et saufs». Peu après, dans le quartier de Taslixhe, à Prishtina, une femme reçoit une missive de son mari, un combattant de 42 ans, qui lui annonce vivre les dernières minutes de sa vie.

«Je te confie les enfants. L’heure est arrivée pour moi de rejoindre Allah», écrit ce combattant à sa femme. Mère d’une fille de 9 ans et d’un garçon de 7 ans, elle est désormais veuve. En deuil, la famille a organisé la veillée de son mort, désormais martyr en terre de Cham. L’homme se serait déjà rendu en Syrie auparavant, avant d’y retourner, cette fois pour toujours.

Combien de combattants albanais en Syrie?

Les autorités kosovares ne sont pas en mesure de savoir combien de personnes albanaises se sont rendues en Syrie pour y combattre. Les estimations sont très floues, et vont de 20 à 800 personnes. Selon la famille du défunt, environ 150 Kosovars seraient présents à Alep, où a eu lieu la dernière offensive. Le ministre kosovar des Affaires extérieures, Enver Hoxhaj, récuse ce chiffre, affirmant qu’il n’y aurait pas plus de 30 combattants kosovars en Syrie. Cependant, selon l’agence FarsNews, il s’agirait de près 800 combattants kosovars qui auraient rejoint les rangs de l’Armée Syrienne Libre. Au cours d’affrontements directs, plus de 10 d’entre eux auraient perdu la vie. L’entrainement de ces combattants aurait lieu en Turquie.

Cette tendance inquiète les institutions kosovares. Pour la Prishtina officielle, le retour au Kosovo de ces djihadistes pourrait constituer une menace pour les citoyens du pays. Le vice-premier ministre et ministre de la Justice, Hajredin Kuçi, a déclaré que la question était en discussion au sein du gouvernement. «Aucune mesure concrète n’a été adoptée pour l’instant», a-t-il déclaré au journal «Zëri». Certains politiques parlent même de poursuivre en justice les combattants s’étant engagés volontairement dans cette guerre civile.

Du côté de la police, pas de chiffres exacts non plus. «La police kosovare regroupe différents types d’informations sur les combattants partis en Syrie. Nous ne pensons pas que ce chiffre soit élevé».

La guerre en Syrie n’a aucun rapport avec le Djihad

Plusieurs acteurs et analystes du Kosovo se sont prononcés sur ce sujet pour albinfo.ch.

Xhabir Hamit est l’ancien président de l’Assemblée de la Communauté islamique du Kosovo. Il est connu pour être un théologien de l’islam traditionnel libéral. Pour lui, les pouvoirs politiques et religieux devraient s’unir pour s’opposer à ce type d’engagement dans les combats. «Il n’y a aucune base islamique dans ce conflit qui oppose des fractions d’un même peuple. Les personnes qualifiant cette guerre de sainte sont soit ignorants, endoctrinés, ou alors elles utilisent ce qualificatif de manière abusive pour arriver à leurs fins», a déclaré pour albinfo.ch Xh. Hamiti. La guerre sainte, continue-t-il, a des règles et des principes qui sont complètement absents de ce conflit. Il invite tous les imams kosovars à sensibiliser les croyants et à les encourager à ne pas aller au front.

L’imam Sabri Bajgora a également appelé les combattants kosovars à quitter le front et revenir au pays. «Cette guerre a perdu sa boussole. Elle était libératrice à ses débuts, mais cela n’est plus le cas aujourd’hui.

Quant à Fadil Lepaja, directeur du Centre d’études balkaniques de Prishtina, il affirme pour albinfo.ch que l’une des conséquences de cet engagement, une fois les combattants revenus au pays, est la construction de liens internationaux et la création ou le renforcement de réseaux islamiques actifs dans les Balkans.
Le Kosovo, un carrefour de la civilisation

Pour Lepaja, c’est le dernier moment, pour les intellectuels kosovars, de créer un modèle albanais d’islam moderne, compatible avec les valeurs démocratiques et les libertés citoyennes et non de «complexifier un modèle qui n’est pas effectif qui ne fait que renforcer les extrémismes religieux» .

Selon les médias présents en Syrie, plusieurs groupes d’insurgés se battent pour le renversement de Bashar el-Asad. En plus de l’Armée de Libération Syrienne, trois autres groupes sont actifs: l’Opposition révolutionnaire, Al Nusra (organisation proche d’Al-Qaïda) et l’Etat islamique en Irak et au Levant, composé d’anciens combattants d’Al-Qaïda.

Les combattants albanais sont essentiellement présents à Alep et à Idliba. Ceux ayant récemment perdu la vie en Syrie ont été tués dans des affrontements opposants ces groupes entre eux.