Littérature

Le Printemps de la Poésie 2023 met en lumière l’œuvre de Ndriçim Ademaj

En ce début de saison littéraire, le Printemps de la Poésie 2023 a été marqué par une rencontre exceptionnelle organisée par l'association Tulalu!? et le Centre de traduction littéraire de Lausanne CTL. Elle a permis d'explorer les profondeurs poétiques de l'œuvre de Ndriçim Ademaj, lors d'une soirée captivante, organisée au prestigieux salon du Cercle littéraire de Lausanne. Cette soirée était consacrée au recueil de poèmes intitulé Chants de la Rue des Forgerons/Këngë nga Rruga e Farkëtarëve, traduit de l'albanais par Festa Molliqaj et publié aux Éditions d'en Bas en 2022 en version bilingue.

Les poèmes de ce recueil embrassent les rues du Kosovo, de la Suisse, de l’Albanie et de la Macédoine du Nord, dévoilant les différentes teintes de l’amour, de la nostalgie et de l’identité à travers le prisme de la vie urbaine. Les vers de l’auteur, empreints d’une poésie crue et directe, teintés de lyrisme et de subtilité, touchent au cœur de l’existence humaine. Ils explorent ces instants qui subliment et qui nous frappent par intermittence, sans scrupule.

La traduction littéraire comme acte de dialogue et de rencontre entre les langues et les cultures : l’exemple de Ndriçim Ademaj et de Festa Molliqaj

Au cours de la soirée, les participants ont eu la chance de découvrir les coulisses de la traduction de l’œuvre incandescente de Ndriçim Ademaj de l’albanais vers le français. Festa Molliqaj et l’auteur ont partagé leurs expériences, leurs choix de mots et les difficultés rencontrées pour transmettre l’essence de chaque poème. Ils ont également évoqué les défis et les plaisirs de cette entreprise, qui soulève des questions fondamentales de philosophie et de linguistique. Qu’est-ce qu’une langue? Quelle est sa mélodie ? Quelles sont les limites de la traduction ? Comment préserver la voix de l’auteur tout en préservant les attributs et les caractéristiques de chaque langue ? Ces questions essentielles ont été abordées avec passion et érudition tout au long de la discussion.

Ce qui est fascinant dans la traduction littéraire, c’est qu’elle met en lumière la richesse et la complexité de la langue et de la culture d’origine, ainsi que la diversité des modes d’expression. Les échanges entre l’auteur et la traductrice ont rappelé combien la traduction littéraire est un acte de dialogue et de rencontre entre les langues et les cultures. C’est un acte qui permet de découvrir de nouvelles perspectives sur le monde. Ce dialogue a rappelé toute la problématique déjà posée par Umberto Eco dans son ouvrage Dire presque la même chose, un livre où tout l’enjeu consiste à “tenter de comprendre comment, tout en sachant qu’on ne dit jamais la même chose, on peut dire presque la même chose.” L’enjeu réside dans ce “presque”. Comment traduire sans trahir toutes les connotations d’un mot, le rythme et la mélodie d’une expression ou encore la construction d’une phrase.

Une plongée dans la poésie de l’auteur kosovar

Le dialogue mené par Valmir Rexhepi a permis de découvrir la personnalité et l’œuvre de Ndriçim Ademaj, un écrivain kosovar considéré comme la relève littéraire dans son pays d’origine. Bien qu’il n’ait que 30 ans, il a déjà publié trois recueils de poèmes et un roman, remporté le Prix de la Francophonie au concours international de poésie de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université en 2022 et a été traduit avec succès par Festa Molliqaj, qui a reçu une mention spéciale pour sa traduction (Prix de la Traduction du PEN Club français 2022).
Le style d’écriture d’Ademaj se caractérise par une capacité à peindre des paysages dystopiques et poétiques, ainsi que par sa brutalité et sa beauté intransigeante. Il n’hésite pas à utiliser un langage cru pour explorer les limites de la société et de la morale, mais il a également une volonté ardente de capturer le sublime de l’instant présent. Sa prose, d’une grande finesse, offre une représentation de la vie dans toutes ses nuances et contradictions, explorant la beauté et la souffrance de l’existence. Ndriçim Ademaj est un écrivain provocateur, qui traite de sujets épineux de manière directe et poétique. Ses tableaux de la vie quotidienne sont tributaires de la lumière qui les fait naître ou qui peut-être finira par les étouffer. Bien que sombres, ses récits laissent toujours filtrer des éclats de beauté ou de tristesse qui captivent le lecteur. Chaque rencontre, chaque oubli, chaque souvenir, chaque tourment est quintessencié par leur destinée à disparaître. En fin de compte, la plume de Ndriçim Ademaj est un appel à la contemplation et à la réflexion sur la vie elle-même et sur notre propre récit au contact du monde.

La soirée organisée par Tulalu!? et le Centre de traduction littéraire de Lausanne CTL a donc été l’occasion pour le public suisse de découvrir la voix unique et puissante de Ndriçim Ademaj, ainsi que les enjeux complexes de la traduction littéraire présentée par Festa Mulliqaj. En effet, le débat entre l’auteur et la talentueuse traductrice a permis de mettre en lumière les défis auxquels sont confrontés les traducteurs littéraires, qui doivent trouver un équilibre délicat entre la fidélité à l’original et la création d’une œuvre nouvelle, qui puisse toucher un public différent.

En somme, cette soirée du Printemps de la Poésie 2023 a été un moment fort pour les amateurs de poésie et de littérature en général, offrant une plongée fascinante dans l’univers poétique de Ndriçim Ademaj et une réflexion sur la traduction littéraire en tant qu’acte de rencontre et de dialogue entre les cultures. L’association Tulalu!? et le Centre de traduction littéraire de Lausanne CTL méritent donc des éloges pour leur choix judicieux de mettre en avant un auteur émergent et talentueux, ainsi que pour son engagement en faveur de la promotion de la poésie et de la littérature.

Në qytetin tim

Nëpër qytetin tim derdhet një lumë
që herë-herë ndahet në dysh

mbi të kërruset nje urë e ngushtë
ku s’mund të kalojnë njëherësh
dy të penduar si unë e ti

nën urë ndihen herë-herë
ofshama njerëzish që tradhtojnë disa të tjerë

kujtohu moj, kur të t’shteren sytë
në këtë qytet, çdo ikje kthehet dyfish

Dans ma ville

Dans ma ville coule un fleuve
qui parfois se sépare en deux

par-dessus s’incline un pont étroit
où deux repentis comme toi et moi
ne peuvent pas passer côte à côte,

en dessous, on entend parfois
les gémissements d’amants qui en trahissent d’autres

souviens-toi, quand tes yeux auront tari
dans cette ville, chaque départ compte deux fois