Takimi
Une véritable démocratie crée des emplois pour la jeunesse
Le 25 mars 2022, dans le cadre de l’évènement TAKIMI – Oser rêver au Kosovo, a eu lieu une troisième discussion sur les modalités de la participation civique, une nécessité absolue pour la construction d’un véritable système démocratique au Kosovo.
Cette discussion avait pour but d’analyser d’une part les moyens qui permettraient aux jeunes de s’engager dans la vie politique du pays, et d’aute part de faire le point sur les obstacles qui empêchent actuellement un tel engagement.
À travers leurs analyses, les participants à cette table ronde, Dr. Nita Luci, anthropologue, Dr. Vjollca Krasniqi, sociologue et Andreas Gross, politique suisse, se sont posé la question de savoir si le contexte socio-politique au Kosovo permet aux jeunes de rêver et de réaliser leurs rêves. Au-delà des statistiques, ils ont discuté des difficultés que rencontrent les jeunes Kosovars en termes de formation, mais aussi sur le marché du travail. Les panellistes ont également évoqué des initiatives à travers lesquelles les jeunes Kosovars essayaient de se faire entendre.
La discussion a débuté en évoquant le leitmotiv de TAKIMI : Oser rêver au Kosovo. La modératrice de la discussion, Aulonë Kadriu, rédactrice de Kosova 2.0, a ouvert le débat en demandant aux participants si le Kosovo, et notamment la classe politique kosovare, ne serait pas en train de limiter les rêves des jeunes Kosovars et d’empêcher ceux-ci de se réaliser, à moins de quitter le pays.
Sur ce sujet, Nita Luci a souligné un obstacle majeur pour la jeunesse : l’isolation dû au régime des visas qui continue à maintenir les citoyens kosovars isolés, bien qu’ils se trouvent au cœur de l’Europe. Le fait que le Kosovo soit le seul pays de la région devant subir le régime des visas a été un point central de la discussion lorsque les panellistes échangeaient sur les injustices et les inégalités que subissent les citoyens kosovars en général et les jeunes en particulier.
Les participants se sont mis d’accord sur l’importance de créer des espaces et des mécanismes à travers lesquels les jeunes Kosovars pourraient articuler et exprimer leurs besoins. En effet, être à l’écoute des revendications est une condition préalable à toute société démocratique. Les jeunes ont des idées claires sur les changements qu’ils souhaitent voir arriver, mais il faut que la classe politique exprime une véritable volonté d’écoute vis-à-vis des jeunes et puisse reconnaître leurs besoins.
Par la suite, Vjollca Krasniqi a abordé la question du rêve en tant qu’expérience collective et qu’impératif du changement, en l’associant à l’espoir et à la mobilisation. À ce propos, Krasniqi a souligné l’importance de nourrir un espoir critique qui revendique la justice sociale. Dans cette optique, Krasniqi a énuméré une série de préoccupations qui empêchent les jeunes Kosovars de se sentir comme des citoyens égaux aux autres, mettant l’accent sur le manque d’emploi et sur la fragmentation de la société à cause de la classe politique kosovare.
Andreas Gross, évoquant son expérience en tant qu’activiste en Suisse, a évoqué la mobilisation du peuple suisse au fil des années qui, malgré la résistance de la classe politique, a réussi à mettre en place une démocratie directe plutôt que représentative. D’après lui, la démocratie représentative est une démocratie primitive car, hormis des élections peu fréquentes, elle ne permet pas aux citoyens de participer à la prise de décision.
Ainsi, Gross a considéré que le passage d’une démocratie représentative à une démocratie directe permettrait aux citoyens de s’exprimer constamment sur les lois, les politiques et sur tout ce qui les concerne directement, en évoquant le référendum en particulier. Il a ajouté que beaucoup de citoyens kosovars ne se sentent pas chez eux ni les bienvenus dans leur pays, car ils sont sans emploi et ne se sentent pas partie prenante de la vie sociale. Ce sentiment, selon Gross, peut être dépassé à travers plus d’initiatives civiques et des politiques sociales qui puissent permettre aux citoyens de trouver un emploi et d’avoir leur mot à dire sur les décisions importantes pour la société.
La suite de la discussion concernait l’engagement collectif en tant que levier pour la construction d’un système démocratique au service de tous. Krasniqi a évoqué le fait que le taux de personnes sans-emploi a estompé chez les jeunes leur sentiment d’identification au pays, étant donné qu’ils n’arrivent pas à s’y réaliser en tant que professionnels, ni de vivre de leur travail.
Les participants ont également mentionné la disproportion entre la structure démographique, c’est-à-dire la population très jeune du Kosovo, et le faible taux de participation de ces jeunes aux élections. Ce phénomène est considéré par les panellistes comme une sorte d’apathie ou une baisse de confiance et d’espoir chez les jeunes sur le pouvoir de leur vote.
Luci a poursuivi la discussion en analysant comment l’engagement civique est perçu par les jeunes ainsi que les méthodes de sa mise en œuvre. À partir de sa propre expérience auprès des jeunes à l’université, elle s’est concentrée sur la notion même d’opportunité et sur ce que celle-ci signifie pour les jeunes.
D’après elle, l’engagement civique des jeunes n’est tout de même pas inexistant, et cela sous différentes formes, notamment les forums de jeunes auprès des partis politiques, où la jeunesse a l’occasion d’articuler ses besoins et de partager ses idées. Une autre voie d’engagement évoquée par Luci est la société civile, que ce soit à travers des structures organisées telles que les ONG, ou d’autres initiatives collectives autour de thèmes cruciaux comme l’environnement, le féminisme ou la justice sociale. Luci a souligné l’importance de créer un espace où les jeunes pourraient développer leurs propres formes d’engagement et de représentation. Elle a également évoqué l’histoire du Kosovo, en soulignant le rôle que les mouvements sociaux tels que ceux des femmes ou des travailleurs ont joué dans la construction d’une tradition d’engagement civique dans le pays.
In fine, les participants ont été d’accord sur le fait que les institutions concernées devraient s’engager davantage afin de créer un environnement propice pour que les jeunes puissent s’engager et montrer leur potentiel, mais aussi exprimer leurs critiques et leurs revendications.
La discussion s’est terminée en évoquant l’importance des droits de l’Homme, et en particulier des groupes vulnérables qui sont souvent et depuis longtemps exclus, et sans lesquels une démocratie égalitaire ne peut pas se construire.
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